La maison de verre de Pierre Chareau

La Maison de Verre illuminée       Les escaliers du rez-de-chaussée      La bibliothèque

Il existe à Paris, une construction surprenante installée au fond d’une cour pavée du 7ème arrondissement. Stupéfiante boîte de briques transparentes, la maison du docteur Dalsace, construite par Pierre Chareau vaut le détour. Attardons-nous sur son histoire.

UNE MAISON AVANT-GARDISTE DES ANNÉES 30
       Tout ce qui fait cette habitation surprend pour les goûts de l’époque : tant le choix des matériaux, que le design du mobilier, que l’agencement des espaces. Aussi sa façade est une révolution pour l’époque : issue de la rénovation du bâtiment initial, elle est la première façade en verre jamais construite. Cette prodigieuse paroi semi-transparente agrandi l’espace intérieur et diffuse la lumière avec une homogénéité presque parfaite. Le goût novateur à la fois de ses propriétaires et de son architecte donne à la bâtisse ce design unique que l’on appellera bientôt : la Maison de Verre.

UN CARACTÈRE BIEN TREMPÉ
       La construction vit le jour grâce à la rencontre de deux personnages aux idées bien réfléchies. La propriétaire, Annie Dalsace, de son vrai prénom, Anna Bernheim, montra très tôt sa personnalité et ses choix modernes : elle décora toute jeune l’appartement de sa famille. Plus tard, elle rencontra le Docteur Dalsace et lorsqu’ils achetèrent l’hôtel particulier de la rue Saint-Guillaume pour y vivre et aménager le cabinet médical, elle mit en lumière ses goûts esthétiques peu communs pour l’époque. Annie Dalsace fit appel  au mari d’une amie pour réaliser ses fins : Pierre Chareau. À cette époque, le créateur était considéré avant tout comme un ensemblier. Il dessinait des bureaux et des lampes. Grâce à la maison de verre il acquit ses lettres de noblesse en architecture*. Il apporta, sous l’influence d’Annie Dalsace, ce style si nouveau pour l’époque. Grâce à lui, l’espace sur trois niveaux n’en fait presque qu’un, partiellement ouvert de tous les côtés. Parois coulissantes et squelette de poutres métalliques élégant consolident l’idée. Les tuyauteries ne se cachent pas et se lient au murs porteurs. De nouvelles matières comme le duraluminium et le caoutchouc viennent pour la première fois s’intégrer dans de l’aménagement d’intérieur. Pierre Chareau dessina aussi les meubles de la maison. En s’associant à l’architecte néerlandais Bernard Bijvoët**, et poussé par Anna Dalsace, il imagina cette superbe machine à habiter.

Façade de verre                Accès au premier étage              Un espace agrandi

LES MATIÈRES
       Caoutchouc Pirelli pour le grand hall (les dalles sont dorénavant abimées, fondues), marqueterie de bois pour les couloirs et la salle à manger, terrazzo gris à l’apparence de galuchat pour les salles de bains et certaines chambres. Paroi de la façade en brique de verre Nevada (Saint Gobain) et panneaux mobiles en tôle perforée. Pierre Charreau marie les bois exotiques (palmier, palissandre, macassar, acajou), et continentaux (noyer, sycomore), le cuir et les tissus crées par Hélène Henry. Avec Louis Dalbet, ferronnier, il conçoit des éléments mobiliers en articulant bois et métal forgé. Pierre Chareau fait partie des premiers à utiliser le tube de métal avec du verre. Ses « boites placard » sont en frêne, les parois coulissantes en duraluminium. On peut voir au sol des briquettes d’ardoise, des briquettes de bois, ainsi que des petits carreaux en pâte de verre blanc.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

LE MOBILIER
       Un siège de jardin repliable en métal noir se remarque. Le bureau, conçu par Pierre Chareau, est recouvert de cuir. La table de nuit est pivotante. Une partie du lit de Madame Dalsace repose sur une estrade, sa table est à ailettes.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

LES INSOLITES
       Escaliers de bateau escamotable, boutons minuscules pour l’ouverture des battants, ailes d’avion pliées dans la salle de bain, cabine téléphonique s’allumant avec le poids des pieds sur son plancher, une triple sonnette (un son différent pour chacune des destinations) : la maison est ingénieuse.

La triple-sonnette

UNE MACHINE POÉTIQUE
       Dans le hall, une grande roue permet de manœuvrer un système de ventilation. Les escaliers magnifiques se reflètent dans les panneaux pivotants. La balustrade dissimule les modules de la bibliothèque, les panneaux mobiles sous tirés d’ailes d’avion. Enfin, l’oeil n’est jamais arrêté par un obstacle.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

      La Maison de Verre avec ses anecdotes, ses détails et le récit de sa construction, c’est aussi l’histoire du début des grands espaces d’habitations éclairés, de la mise en lumière des matériaux bruts de constructions et du mobilier, de la naissance du design industriel à l’usage du particulier. La Maison de Verre est le point de départ inspirant le futur architectural des maisons légères et élégantes comme la Maison de Verre à Uccle en Belgique de l’architecte Paul-Amaury Michel (1936), la Glass House de Philip Johnson aux États-Unis (1949), la Farnsworth House de Ludwig Mies van der Rohe (1951), pour ne citer qu’elles… Si vous souhaitez visiter la Maison de Verre, il vous faudra être chanceux, l’ouverture hebdomadaire du jeudi ne semble plus exister…

Photographies de François Halard, extraites du livre « La maison de verre : Le chef-d’œuvre de Pierre Chareau » de Dominique Vellay.

* Par la suite, Pierre Chareau s’occupa également de la maison de campagne des Bernheim à Noisy-le-Grand, du Club House de Beauvallon près de Saint-Tropez, la maison Vent d’Aval à Beauvallon, (imaginée avec trois ailes, une pour chaque génération de la famille ; l’idée est astucieuse).

** Le peu de documentation sur Monsieur Bijvoët, laisse penser qu’il n’a pas joué un grand rôle dans la construction de la maison de verre.

Plan

Plan

Ci-dessous les plans de la maison et quelques dessins :

Blake et Mortimer dans la Maison de Verre

Blake et Mortimer dans la Maison de Verre

Loustal - La Maison de Verre

Loustal – La Maison de Verre

Dessin de La Maison de Verre de François Avril

Dessin du premier niveau de La Maison de Verre par François Avril